vendredi 4 octobre 2013

RÉDUIRE LA PRESCRIPTION MÉDICAMENTEUSE ET LES COÛTS DE SANTÉ

Une autre façon de faire de la médecine … La médecine comportementale (1) pourrait être une voie pour réduire la consommation médicamenteuse dans certaines indications, voire réduire les dépenses de santé.
La médecine comportementale repose sur une pratique éprouvée de longue date dans le traitement de la douleur chronique (2) notamment. Ses méthodes sont issues de travaux scientifiques expérimentaux*. Elles sont appliquées dans les thérapies comportementales et cognitives**.

Dans certains cas, cette approche médicale pourrait se substituer à la prescription médicamenteuse. Ainsi, a-t-on vu récemment des médecins prescrire de l’exercice physique à des patients hypertendus ou en surpoids ou stressés ou encore à des diabétiques. Or, il s’avère que pour une population de diabétiques à haut risque, les mesures glycémiques vont être améliorées essentiellement grâce à des procédés de motivation à l’exercice physique et la perte de poids. Un progrès pour des personnes présentant des affections moins sévèrement invalidantes est également vraisemblable.

L’utilisation des techniques comportementales au sein même des équipes médicales aurait par exemple permis d’obtenir une amélioration des mesures pressionnelles de patients hypertendus, parfois plus efficacement que par le biais de prescriptions médicamenteuses (3). 
Mais la généralisation des techniques comportementales dans la pratique des médecins est lente. Ils sont plutôt éduqués à recourir à la pharmacopée et à la chirurgie pour contrôler la maladie et ils s’impliquent peu dans la dimension comportementale de la question. Quand ils le font, ils sont influencés par leur formation psychanalytique, ce qui les pousse à rentrer dans des discours assez éloignés des préoccupations concrètes des patients. Et quand ils ne sentent pas en mesure de rentrer dans ce « jeu », soit ils négligent la dimension comportementale, soit ils adressent leurs clients à des psychanalystes.

Néanmoins les choses changent (4). Le développement de la médecine basée sur les preuves (evidence based medicine), l’utilisation par les professionnels de santé de la classification des maladies selon des critères incluant les comportements (CIM 10) (5), la formation des médecins intéressés, en France, par l’AFTCC (6) et l’AMC (7) et l’intégration de comportementalistes dans certains services  (addictologie, sexologie, diabétologie, cancérologie, sommeil, douleur, ORL, …). Par ailleurs, ces méthodes se développent hors des structures de soins pour d’autres applications de la médecine comportementale : peur de l’avion dans les aéroports, stress en entreprise, gestion des catastrophes et des situations de guerre, violence urbaine ...
L’un des atouts les plus importants de cette nouvelle médecine pourrait être une perspective d’économie en terme de dépenses de santé, en ce sens qu’elle ambitionne de transmettre aux patients un savoir-faire pour prévenir et s’adapter à la maladie (8).

         * : Psychologie expérimentale : ce n’est pas la “psychosomatique”, laquelle emprunte ses références aux théories psychanalytiques (9). La démarche de la psychologie expérimentale repose sur le triptyque de l’expérimentation scientifique : examiner et évaluer les modifications observées, déterminer la spécificité du changement obtenu, vérifier les hypothèses de départ.

** : L’application des thérapies comportementales et cognitives en médecine non psychiatrique repose sur la psychoéducation (information sur le trouble, sur son traitement, sur les attitudes de santé active à pratiquer régulièrement, sur la gestion des symptômes, sur la prévention des rechutes), l’apprentissage d’une relaxation comportementale (ni modification de l’état de conscience, ni expérience spirituelle) dont le retentissement métabolique a été évalué (régularisation du rythme cardiaque, diminution de la consommation d’O2, de la pression artérielle, du rythme respiratoire, des lactates artériels, du tonus des muscles lisses, augmentation ondes alpha à l'EEG, …) et un travail sur les modalités d’appréhension psychologiques du trouble ; Le but de la médecine comportementale est de diminuer la souffrance émotionnelle et d’optimiser la liberté de comportements face à l’affection.


(1)    : Behavioural medicine: changing our behaviour, British Medical Journal Volume 332 pp 437-8
(2)     Queneau P & Osterman G, Soulager la douleur, Odile Jacob, Paris, 1998
(3)     Fontaine O, Kulbertus H & Étienne AM, Stress et cardiologie, Masson, Paris, 1996
(4)    André C, Lelord F & Légeron P, Chers patients : petit traité de communication à l'usage des médecins, Éditions du Quotidien du Médecin, Paris, 1997
(5)    CIM 10
(6)  Institut d’enseignement de l’AFTCC : www.aftcc.org , DU « méthodes comportementales en médecine» Faculté St-Antoine Paris VI.
(7)    Association pour la Médecine Comportementale : www.asso-medecine-comoprtementale.org
(8)    Wiseman R, Notre capital chance, Lattès, Paris, 2003

(9)    Dantzer R, L'illusion psychosomatique, Éditions Odile Jacob, Paris, 1989

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